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Association des Plaisanciers de l'Espace Littoral de Tréflez et Plounévez-Lochrist

Lecture hivernale

Lecture hivernale

L’Europe propose un quota d’un bar par jour et par pêcheur

Les pêcheurs plaisanciers connaissent depuis longtemps les problèmes de ressource sur le bar. Cette préoccupation alimente les discussions sur les forums, les salons et les pontons depuis plus d’une dizaine d’années maintenant et on en a beaucoup parlé ici même. Si rien ou presque n’a été fait jusqu’à présent, les choses sont en train de sérieusement s’accélérer depuis quelques mois. Les avis scientifiques sur l’état du stock (ou des stocks) sont de plus en plus précis et de plus en plus alarmants.

  • « Une réduction nécessaire de l’ordre de 80% des captures »

En 2014, le CIEM (qui compile et analyse au niveau européen les différentes études nationales) a proposé un rapport calamiteux qui ne laissait aucun doute sur l’urgence à intervenir et à restreindre les prélèvements de bars. Cette étude a fait place à des avis formulés par zones ; pour certaines qui nous concernent, les conseils scientifiques allaient jusqu’à prôner une réduction de l’ordre de 80 % des captures. Le STECF quant à lui considère que le prélèvement actuel est 4 fois trop important par rapport à ce que la ressource peut supporter.

C’est dans ce contexte que la commission européenne a publié le 28 novembre une proposition de réglementation visant à réduire l’effort de pêche sur cette espèce. Ceux qui lisent l’anglais pourront trouver le texte complet ici : Proposal for a COUNCIL REGULATION fixing for 2015 the fishing opportunities for certain fish stocks and groups of fish stocks…

Je vais essayer de vous résumer de façon assez simple l’idée de cette proposition et les premières réactions qu’elle suscite.

  • « La pêche de loisir représente environ 30% des captures à l’échelle européenne »

Tout d’abord les 2 cibles clairement mises en avant par le texte sont les chaluts pélagiques et la pêche de loisir (qui, à elle seule, représente environ 30% des captures à l’échelle européenne). Si l’on considère l’impact sur la ressource « acteur par acteur », ce sont les 2 groupes qui ponctuent le plus le stock de bar au niveau européen (on notera ici l’abstraction faite des « responsabilités » locales telles que celle des bolincheurs en Bretagne par exemple).

  • « Une limitation d’un bar par jour et par pêcheur pour les plaisanciers »

Pour ce qui concerne la pêche du bar pour les plaisanciers, le texte propose une limitation d’un bar par jour et par pêcheur pour les zones ICES IVb, IVc, VIIa, VIId, VIIe, VIIf, VIIg et VIIh. En gros pour la France ça inclue toutes les zones situées au nord de la pointe du raz (finistère). Les côtes de Belgique, du Royaume-Uni, des Pays Bas, d’Allemagne et du Danemark sont également concernées. Le texte n’est pas des plus clairs pour un non initié comme moi mais il semblerait que ce projet ne s’appliquerait qu’aux pêcheurs en bateau.

Le document ne donne pas de détail sur les propositions précises qui seraient faites pour réguler l’impact des chalutiers pélagiques mais la commission bar du CNPEM (Commité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins) a récemment communiqué sur son positionnement pour réduire l’effort de pêche sur le bar, preuve que les choses bougent aussi chez les pros.

  • « Augmentation de la taille légale, repos biologique et limitation des captures chez les professionnels »

Le CNPEM proposerait à la commission européenne une augmentation de la taille de capture par les professionnels qui passerait de 36 à 40 cm, la mise en place d’un repos biologique d’1 mois au lieu d’une semaine pour les chalutiers et fileyeurs et un maximum de 25 % de bars dans les débarquements pour les bolincheurs et les senneurs. Ces propositions seraient applicables sur tout le trait de côte français à l’exception de la Méditerranée. Dans son communiqué, le CNPEM précise que « la contribution qu’elle consentira devra être accompagnée d’un effort équivalent de la part de la pêche récréative ».

  • « totally unacceptable » pour l’EAA

Du côté des pêcheurs plaisanciers, au niveau européen l’EAA (European Anglers Alliance) et l’EFTTA (European Fishing Tackle Trade Association) ont réagit via une parution sur la page facebook de l’EAA. Ils jugent « inacceptable » la proposition de la commission européenne. Ils proposent plutôt le passage de la taille légale de 36 à 42 cm (ce qui est déjà le cas en France) et souhaitent qu’il en soit de même pour les professionnels. Enfin ils rappellent que beaucoup d’emplois dans la pêche récréative sont liés à la pêche du bar (guides de pêche, détaillants, fabricants…) et considèrent qu’économiquement le secteur souffrirait de la mise en place d’un tel quota.

  • « la mort de la pêche de loisir » selon la FNPPSF

Au niveau français la FNPPSF a également réagit à la proposition considérant que la mise en place d’une telle mesure entraînerait « la mort de la pêche de loisir ». La Fédération rappelle que la pêche de loisir en France est sujette depuis fin 2012 à une maille de 42 cm qui aurait déjà contribué à réduire de 40 à 50 % le prélèvement des bars par les plaisanciers. La fédé rappelle aussi que la lutte contre le braconnage a été engagée avec l’obligation actuelle pour les plaisanciers de marquer les bars. Enfin la FNPPSF considère que « l’effort consenti par la pêche de loisir a été conséquent » et qu’il est « grand temps que les professionnels en fassent autant ». Elle se positionne pour l’application à tous d’une taille légale de 42 cm et d’un repos biologique de 3 mois (1er janvier au 31 mars) et se dit « ouverte à toute discussion pour étudier d’éventuelles mesures raisonnables visant à lutter contre le braconnage ».

  • « Pourquoi pas interdire carrément la pêche récréative »

Alain Cadec, député européen et président de la commission pêche du Parlement Européen réagit par la dérision et se range du côté de l’avis de l’EFTTA via un message sur twitter.

  • « en conseil des ministres les 15-16 décembre »

Un plan de gestion sera présenté en conseil des ministres les 15-16 décembre pour une mise en place dès le premier janvier 2015. Selon le très bon article de l’hebdomadaire « le marin », à défaut de consensus entre les ministres européen et étant donné l’urgence de la situation, la commission pourrait décider seule de l’avenir de cette ressource. La France est le pays le plus concerné par ces mesures, le bar y est le poisson numéro 1 pour les plaisanciers et le numéro 3 (en chiffre d’affaire dégagé) pour les professionnels. La pêche française est responsable de 70 % du prélèvement de bars à l’échelle européenne.

Mon point de vue sur le sujet c’est que je suis heureux de voir qu’enfin les choses bougent, peut être avant qu’il ne soit trop tard. Si on occulte les phrases choc des différents représentants, je trouve que beaucoup de propositions sont intéressantes et que les différentes mesures évoquées vont plutôt dans le bon sens. Selon les scientifiques il faut réduire de 80 % les prélèvement, ce qui est certain c’est que ça va impliquer des grosses concessions mais les différentes réactions me laissent croire qu’on va au moins en partie y parvenir.

Le passage à un bar par jour et par pêcheur chez les plaisanciers sera peut être la mesure la plus bataillée. En ce qui me concerne, j’ai toujours été favorable à la mise en place d’un quota et je pense que c’est là qu’on doit aller chercher le reste de notre effort de réduction d’ impact sur la ressource.

Si l’on considère qu’on a réduit de 40 à 50 % nos prélèvements avec l’augmentation de la maille, il nous reste en effet encore un effort à faire pour parvenir à l’objectif de 80 % fixé par le CIEM. Vient maintenant la question du nombre de bars et de la l’application à la journée, si personnellement cela ne me dérangera(it) pas, il est clair qu’en terme de quota c’est le plus strict de ceux auxquels on pouvait s’attendre. Bien que je ne partage pas l’avis de la FNPPSF (je pense que la pêche de loisir survivra plus facilement à une limitation stricte des prélèvements de bars plutôt qu’à la disparition de ces derniers faute d’efforts importants), cette mesure poserait, entre autres, la question délicate du bien-fondé de la pose d’engins dormants (filets et palangres en particulier) par les plaisanciers. En effet, autant un pêcheur à la ligne peut capturer 3 bars et en relâcher 2, autant un plaisancier qui relèverait un filet avec 3 bars déjà morts devrait faire face à un problème insoluble. A mon sens c’est sur ce point que réside le vrai risque et la vraie inquiétude pour le domaine de la pêche de loisir et des activités économiques qui y sont liées. Un quota annuel serait peut être plus adapté pour protéger ce secteur économique et ces pratiques.

Quoi qu’il en soit, il me semble essentiel que des mesures fortes et efficaces soient mises en place au plus vite tant chez les pêcheurs récréatifs que chez les professionnels. Ces mesures seront forcément difficiles et il est impératif qu’elles portent leurs fruits et donc que chaque métier et acteur participe a cet effort global.

Un article de Nicolas Cadiou

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